Article de Patrick Moreau dans Le Devoir:
Avoir une pensée pour les Circassiens
Patrick Moreau, enseignant du Département de français au Collège Ahuntsic et rédacteur en chef de la revue Argument, signe un article dans Le Devoir du 14 février, dans la rubrique Jeux de Sotchi. «Avoir une pensée pour les Circassiens, ce peuple exclu de l’Histoire» nous instruit sur le peuple qui habitait le Nord-Caucase au moment où les Moscovites d’Ivan le Terrible faisaient résonner leurs chants jusqu’en Circassie. «L’islamisation véritable du Nord-Caucase date de cette époque et prendra de plus en plus d’importance au fur et à mesure qu’elle apparaîtra comme un rempart contre la russification. Le passage de toute une frange de la rébellion antirusse à l’islamisme radical dans la mouvance d’al-Qaïda a lui aussi des racines profondes dans la région», écrit Patrick Moreau.
Puis, au XIXe siècle, ce qu’on appelle le Grand Jeu, la rivalité entre les empires russes et britannique fit en sorte de déloger les Circassiens qui occupaient alors une place stratégique vers la route des Indes. M. Moreau poursuit : «Peuple de l’exil, les Circassiens (dont une bonne partie mourra lors de ce Grand Dérangement) seront réinstallés par les Ottomans dans différentes zones frontalières de leur empire en voie de décomposition : Kosovo, Est-Anatolie, Jordanie, Palestine, Syrie, Libye. Plus de deux millions de leurs descendants vivent encore au Moyen-Orient. Ceux qui resteront formeront une partie du peuplement des républiques de l’Adyguée, de Karatchaïevo-Tcherkessie et de Kabardino-Balkarie. Revendiquant à l’occasion des Jeux la reconnaissance par la communauté internationale et surtout par la Russie de ce qu’ils appellent leur génocide, les Circassiens se retrouvent aujourd’hui pris dans les mailles d’un nouveau Grand Jeu qui oppose cette fois la Russie et les États-Unis — ces derniers impliqués par le biais de leurs alliés régionaux géorgiens et turcs, le tout sur fond de rivalités stratégiques et de ressources pétrolières à exploiter.»
Pendant ce temps, la plupart d’entre nous, complètement ignorants de ce pan de l’histoire ou ayant la mémoire courte, sommes suspendus à nos écrans et aux prouesses des athlètes participant aux Jeux de Sotchi. Dans sa conclusion, Patrick Moreau nous rappelle que : «il serait bien que nous ayons une pensée pour ce petit peuple exclu de l’Histoire; peut-être aussi pour nous remémorer cette évidence qu’aucun lieu sur terre n’est désincarné au point d’appartenir à une Humanité festive, sans histoire, sans repères comme sans avenir.»
Source : Service des communications
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